L’école à Péruwelz « au fil du temps »2

 

En 1720, Péruwelz possédait deux écoles, l’une Sainte-Marie, l’autre créée par Adrien Hovines. En 1773, sous le gouvernement de Charles de Lorraine1, Marie-Thérèseinstitua dans notre ville, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres villes du pays, un collège thérésien où la jeunesse pouvait se préparer aux études supérieures. Il était probablement tenu par des prêtres, car à cette époque, l’enseignement moyen était l’apanage exclusif de l’église.

La Révolution française et l’occupation de nos provinces par Napoléon mirent fin à l’activité des religieux.En exécution d'une loi de 1793 sur l'organisation des écoles primaires, le Conseil municipal de la commune de Péruwelz, avait officiellement nommé Jacques Joseph Noël Vincent comme instituteur primaire et les citoyennes Carlier et Moulart, «ex-religieuses» comme institutrices. Noël Vincent exerçait les fonctions d'instituteur depuis 1785, à la rue de Sondeville, dans une maison qu'il avait fait bâtir expressément. La municipalité, se conformant aux dispositions de la loi, lui devait traitement, rétributions, logement ou indemnités. En 1811, on voit une autorisation donnée à Charles Vincent, fils de Noël d'enseigner publiquement.

Vers le milieu du 19ième siècle, les bourgeois de Péruwelz, conscients du prestige que confère la fortune,considéraient la médiocrité de l'enseignement local comme une grave lacune. En 1825, Tournai supprima un ordre de religieuses ; celles-ci s’établirent à Péruwelz et y fondèrent des écoles privées pour filles à la rue de Roucourt, dans une maison appartenant à M.Petit dans des bâtiments affectés par la suite à la Maison de retraite. Très bien fréquentées, ce sont celles de l'abbé D'Halluin, où on reçoit même des garçons comme pensionnaires. Trois institutrices résident dans la maison. Par testament du 3 février 1839, Augustine Leroy laissa un capital suffisant pour ériger une école des filles dans la ruelle du Camus. La disposante exprima le désir qu’on adjoignit à l’école un local pour les malades. Les demoiselles Lepreux y enseignent.

Jusqu’en 1847, un établissement d’instruction pour garçons existait à Péruwelz ; c’était l’école primaire dirigée par Mr Dujardin, il y a même un pensionnat annexé, dans un bâtiment parallèle au premier avec une issue sur la ruelle du Berceau. Les cours se donnaient dans la maison particulière de cet instituteur, située rue de Sondeville. Mr Dujardin fournit le mobilier et le matériel didactique, sans doute très rudimentaire ; par contre, les élèves achetaient eux-mêmes toutes les fournitures classiques dont ils avaient besoin, et pourvoyaient dans une large mesure à la modeste rétribution des maîtres. Par arrêté royal du 20 juin 1848, à l’école primaire en activité, fut adjointe une école industrielle et commerciale patronnée et subsidiée par l’Etat. Mr Dujardin en fut nommé directeur et son habitation abrita désormais les deux institutions. L’Etat alloua à la Ville un subside de 3.000 F par an pour subvenir aux frais généraux et au paiement du personnel enseignant. A tout cela il faut ajouter cinq écoles gardiennes, mais plutôt garderies d'enfants, jusqu'en 1865 où une «salle d'asile» fut ouverte aux petits sous la garde d'institutrices maternelles. A Bonsecours, existe à cette époque une école paroissiale pour les garçons et une autre pour les filles, auxquelles la ville verse aussi un petit subside annuel.

 

 L'ECOLE MOYENNE DE L'ETAT 

En 1850, sous la pression des Libéraux, l'enseignement de l'Etat s'organise. Une loi ordonne l'ouverture de dix athénées royaux et de cinquante écoles moyennes, réparties dans le pays. L'Etat paiera les traitements mais les frais de bâtiments incomberont à la commune. Le 1 juin 1850, à l’issue d’un débat passionné, Charles Rogier obtint le vote de la loi organique de l’enseignement moyen. Cette importante décision allait permettre la naissance, à brève échéance, de dix athénées et de cinquante écoles moyennes. Notre Conseil communal en ayant délibéré, une requête fut aussitôt adressée au Gouverneur du Hainaut, afin de transformer l'«école industrielle» de M. Dujardin en une vraie école moyenne. Un Arrêté Royal du 30 septembre 1851 dota notre cité d’une école moyenne de garçons. Elle se substitua à l’école industrielle et ouvrit ses portes le 5 octobre 1852. L'année suivante, la section préparatoire fut également reconnue. Malheureusement, Mr. Dujardin mourut en 1853; son fils, qui le secondait, se trouva incapable de continuer seul sa mission. Les bâtiments furent mis en vente. Pour éviter le dépérissement de l'école pendant la recherche d'un autre local, le bourgmestre Deflinnes prêta l'argent pour le rachat de la maison de Mr Dujardin. Pour la première fois, la ville acquit une école. C'était sans doute une construction belle et solide puisqu'elle est encore debout, mais la place manquait. Le pensionnat ne pouvait recevoir qu'une vingtaine de garçons, et le faisait sans aide de l'Etat, ayant gardé son statut privé. Pour élever un bâtiment complet, comprenant classes et pensionnat, la ville acheta au Bureau de Bienfaisance un terrain à la ruelle du Camus. C'était encore un pan de l'ancienne «pâture de l'Hôpital». Quelques années séparèrent le projet de sa réalisation. En 1864, l'Ecole Moyenne des garçons était prête, mais le pensionnat ne devint convenable que trois ans plus tard. Le ministre assura par la suite que de très larges subsides seraient consentis par l’Etat à la ville de Péruwelz pour la construction de nouveaux bâtiments scolaires destinés directement à l’école moyenne. Ce n’étaient pas les terrains qui manquaient à Péruwelz à cette époque. On s’accorda sur une parcelle appartenant au Bureau de Bienfaisance et sise à l’angle de la ruelle Camus et du sentier Simon. L’argument majeur était que ce quartier de la ville était appelé à une rapide extension avec l’érection de la gare. A cette période de l’histoire de l’école moyenne, en mai 1858, la rue de la gare, actuellement rue Astrid, n’existait pas. La Grand-Place était reliée à l’emplacement actuel de la gare par une ruelle, dite du Camus, étroite, bordée de haies non entretenues qui envahissaient les 4/5 de la ruelle, le tout très humide. A cinquante mètres de la place s’amorçait un sentier,maintenant rue Simon qui aboutissait à la rue Thibaut, actuellement Réthibaut. Ce fut dans l’angle de ces deux venelles que devaient s’élever les bâtiments. En séance du 3 décembre 1858, le Conseil adopta à l’unanimité l’élargissement du sentier Simon, les propriétaires riverains étant tous d’accord pour abandonner le terrain nécessaire au percement d’une rue de six mètres de largeur. Ce fut en séance du 22 février 1870 que le Conseil communal vota un crédit de 35.000 F. pour l’élargissement et l’empierrement de la ruelle de la gare. L’accès des élèves à l’école était enfin assuré. Le pensionnat, d’abord très modeste avec ses quelques élèves, crût en importance avec la renommée que déjà l’école se forgea dans les Flandres. Dès 1874, une partie du jardin du directeur fut transformée en cour de récréation, de façon à séparer les pensionnaires des élèves externes. Le Conseil Communal décida enfin de faire procéder à l’exhaussement de la partie centrale des bâtiments. L’étage fut achevé en 1884, on y aménagea le grand dortoir et une classe. Pressée par la marée montante des élèves, la Ville acheta en 1923 les écuries Dapsens, contiguës à l’école. En 1938, l’Etat reprit à son compte les bâtiments de l’école ; en juillet 1942, il supprima le pensionnat et en 1951, le ministre donna son accord pour la construction de nouveaux bâtiments scolaires.

 

 L'ECOLE MOYENNE DES FILLES 

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Ce fut longtemps un motif de préoccupations et de démarches pressantes: les jeunes filles manquaient d'un établissement officiel d'enseignement moyen. Une école moyenne pour filles fut également créée. En octobre 1881, Péruwelz ouvrait deux classes préparatoires dans un local de fortune, à la rue de Roucourt, «à l’Hôpital», disaient les «anciennes». Melles H. Wauthier et M. Felu en étaient les institutrices titulaires, préparant les voies à l’école moyenne qui fut constituée de façon complète en 1882 par la désignation d’une directrice M. Grand et de professeurs. Enfin, on obtint l'autorisation d'élever le bâtiment destiné à cet effet,et on y reçut externes et pensionnaires. En bordure de la nouvelle rue Flament3, en plein « bosquet Deltil »4, l'ensemble de la construction s'avère nettement supérieur à celui de son homologue pour garçons. Cette comparaison permet de mesurer les progrès réalisés en 20 ans en matière d'urbanisme. En 1885 se faisait l’inauguration des locaux de la rue Flament .

 

 LE DEVELOPPEMENT DES ECOLES COMMUNALES 

Dès l'installation de l'Ecole Moyenne dans ses nouveaux locaux, l'école communale du Centre trouva place dans la maison désertée. Deux classes seulement pour quelque cent cinquante élèves, celles de MM Alexandre et Monnier. L'école gardienne s'installa dans l'ancienne école des Frères. L'école des filles abandonna sa première maison; on lui en avait préparé une plus grande à la Drève, en 1856. (Les Ecoles du Centre resteraient en ces emplacements jusqu'en 1935). Bientôt, il fallut songer à construire des écoles dans les hameaux de plus en plus peuplés: La Roë eut la sienne en 1873, la Buissière, en 1880. Selon le mot d'Edouard Simon: «Il faut rapprocher l'école des élèves.». On créa une école Froebel communale «payante ». La ville avait acquis récemment le «jardin du Berceau», avec son joli local,son pigeonnier pointu et sa vieille demeure de concierge. Dès la rentrée scolaire de 1881, les petits enfants jouèrent dans le beau jardin s'ouvrant sur la Drève, sous la garde d'une institutrice chevronnée.

 

 POUR L'AMOUR DE L'ART 

Le grand effort fourni pour rattraper le retard intellectuel n'aurait pas été suffisant s'il s'était borné à l'enseignement général. Il fallait obtenir davantage pour se hausser au niveau des villes voisines. Aussi, dès 1867, décide-t-on la création d'une école de musique. Le premier professeur, Mr Flamion est sous-chef au 31e Régiment des Lanciers. On enseigne le solfège, la musique vocale et aussi instrumentale: violon, flûte, clarinette et cuivres. Seuls les hommes y sont admis jusqu'en 1900, où se crée une section féminine. Ce sera déjà la «Belle Epoque». En l'année 1868, s'ouvre l'Ecole de Dessin, confiée à Edmond Lekimpe. Trois soirées par semaine pour les techniques; le dimanche, c'est la peinture décorative. Alfred Fougnies, architecte, est bientôt adjoint à l'enseignement pour les techniques des métiers. Une centaine de jeunes hommes suivent ces cours. On en retrouvera qui laisseront des oeuvres pour le public, et les autres, gagnant personnellement un savoir ou un art, rehausseront le niveau culturel de la région.

 L’ ECOLE INDUSTRIELLE 

L’Ecole Industrielle et Commerciale, dont la Ville avait «accepté» en 1851 la transformation en école moyenne de l’Etat, avait gardé de fidèles partisans. En janvier 1898 , l'école de Dessin se mue en «Ecole Industrielle»: «de façon à assurer à notre classe ouvrière une instruction générale plus étendue, des connaissances pratiques plus développées, une habileté professionnelle plus grande» et reprit ses cours du soir et du dimanche dans les locaux de l’école moyenne des garçons. Des circonstances favorables permirent à la petite école industrielle de devenir au fil du temps, avec ses 50 sections et ses 1.400 élèves, l’une des cinq plus importantes écoles de promotion sociale de la Communauté française. Alors que l’économie de Péruwelz périclitait peu à peu, pendant ce 20ième siècle, l’école industrielle non seulement se maintint, mais se développa. Cette situation n’est pas le fait du hasard, mais le fruit d’une action continue menée pendant près d’un siècle. En 1955, la tutelle de l'établissement fut confiée à l’État qui lui octroya des locaux spacieux dans l’ancien «Couvent de la Providence» au Boulevard Léopold III.

 L'ECOLE MENAGERE 

Enfin, en 1897, le Bureau de Bienfaisance estimant qu'il n'avait pas suffisamment rempli son devoir envers les enfants des familles ouvrières instaura une «Ecole Ménagère» afin «d'enseigner aux jeunes filles les travaux du ménage et de les préparer à remplir les devoirs de la femme au foyer domestique» . Cette école sera proposée aux jeunes filles d'au moins treize ans qui ne vont plus à l'école ou fréquentent la dernière année du degré supérieur. Il s'agira de s'y rendre deux après-midi par semaine; le premier local se trouve à l'hospice.

 LA PLUS NOBLE CONQUÊTE DE L'HOMME 

Le cheval profite de l'élan donné à l'instruction! Pendant plus de trente ans, le Docteur Contamine, médecin-vétérinaire, dispense des cours de maréchalerie. Cela comporte des conférences, des cours de sciences concernant les chevaux et des exercices pratiques. Chaque année, les garçons formés par le Dr Contamine, remportent des distinctions à des concours en la matière, en France autant qu'en Belgique. Péruwelz s'affirme comme centre d'attraction d'un petit réseau rural que la frontière ne parvient pas à limiter.

 L'ECOLE CATHOLIQUE 

On ne parlait pas encore de «guerre scolaire» en 1834, quand le bourgmestre Tondreau5 conclut, avec les Frères des Ecoles Chrétiennes, un accord qui les rendait instituteurs communaux dans une école primaire entièrement gratuite. Le Bureau de Bienfaisance payait la plus grande part des traitements. A la mort de Mr Tondreau, le local devint propriété de la ville, le testament de l'ancien bourgmestre comportant ce legs. Mais le pouvoir libéral tolérait difficilement ce qu'il considérait comme la main-mise de l'Eglise sur l'enseignement. Des misères qu'on leur chercha, les Frères prirent le parti de s'en aller; la paroisse les retint en mettant à leur disposition en haut de Sondeville, « l'Ecole Saint-Joseph» longtemps école gratuite paroissiale.

 LES DAMES DE SAINT CHARLES 

En 1860, quand l'abbé Lefebvre succéda comme curé-doyen à M. Destrebecq, on pouvait observer une lacune de l'organisation de l'enseignement chrétien dans la paroisse: il n'y avait pas d'école pour les fillettes. Le Doyen fit appel à la Congrégation des Sœurs de Saint-Charles de Wez, ( fondée en 1684 par un curé de Wez, Adrien Brésy ), pour créer une école chrétienne. Elles achetèrent la maison Castiau (rue Pont-à-la-Faulx) avec son vaste terrain en pente: jardin et bosquet et, tout en bas, une prairie qui englobait la Verne avec un étang. On y aménagea un pensionnat et une chapelle. Comme les villages voisins étaient alors dépourvus d'écoles, les religieuses durent annexer à leur maison un pensionnat pour héberger les enfants venus de trop loin. On construisit un très haut pensionnat le long de la rue Castiau, sur base d'une «cave» remarquable, utilisant la déclivité de la rue. D'autres bâtiments, du côté opposé de la cour furent surmontés d'une très jolie chapelle. Au début, les religieuses n'étaient que cinq et n'acceptèrent, pour commencer, que des pensionnaires. Mais bientôt, un externat s'ouvrit. Dans un immeuble de la rue Castiau, les Soeurs organisèrent une école gratuite et même une «école dominicale» pour les jeunes filles. Des dames de la ville demandèrent l'ouverture d'une école ménagère et la patronnèrent; cette école fut ensuite reconnue par l'Etat. Les demoiselles du pensionnat reçurent une éducation soignée et une instruction semblable à celle qu'on donnait dans les écoles officielles. On y pratiqua toutes sortes d'arts: musique, peinture, chorégraphie, théâtre, de même que les travaux à l'aiguille et l'économie domestique.

 

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Sources :

Péruwelz au Fil du Temps T II et III et Péruwelz-Bonsecours en cartes postales anciennes de S Philippart.
Histoire civile et religieuse de la ville de Péruwelz de L’Abbé Petit 1871.

Vie et Mort du Val de Verne de P Bachy

 


1 Marie-Thérèse Souveraine des Pays-Bas autrichiens
2 Charles Alexandre de Lorraine gouverneur général des Pays-Bas autrichiens
3 L'avocat Bernard Flament, ce Péruweizien courageux qui sauva Péruwelz quand les Autrichiens menaçaient d'y mettre le feu...
4 François Théodore Deltil est né à Condé en 1772, épouse en 1804 Reine Marie Caroline, fille de l'avocat Bernard Flament. La famille Deltil-Flament habite alors à Péruwelz la belle maison de la Grand-Place. Il transforme le grand domaine de son beau-père en un parc qu'il dénomme «bosquet»
5 Charles Tondreau Bourgmestre de Péruwelz de 1817 à 1852.

 

Date de dernière mise à jour : mercredi, 11 octobre 2023